Les Cinq Phonies Pastorales
Episode n°2 : Le système
Cette deuxième émission aborde le concept abstrait du système : le rapport complexe des individus à une infrastructure incohérente et parfois oppressante. Ainsi, les bergers critiquent un système qui est lié aux contraintes du mode de vie en ville, du milieu de travail, des valeurs et des normes imposées par la société en terme de réussite sociale, professionnelle et matérielle. En devenant bergers, ils ont le sentiment d'échapper à ce système.
Pour les éleveurs, les contraintes du système sont davantage liées à l’administration étatique de l’élevage, la paperasse, les primes, le libre marché économique, et l’Union Européenne. Les éleveurs perçoivent les contraintes venant du système comme un frein à l’élevage pratiqué depuis des années selon des techniques ancestrales et comme une ingérence dans leur secteur d’expertise.
Ceux-ci préconisent plutôt un retour aux éléments essentiels, la liberté d’action et de penser, la lenteur, la nature, la tradition. Les éleveurs veulent demeurer des producteurs de viande d’agneau et font face à une réalité économique qui les dépossède de cette fonction. A coup de primes et de subventions, leur revenu n’est plus le résultat de leur travail. Le contrôle croissant de l’administration sur leurs pratiques et leur gestion relève pour eux d’une sorte de perte de dignité.
Le travail pastoral, tel que le conçoivent les praticiens, exige lenteur, retenue, acceptation de l’imprévu et une négociation permanente avec des facteurs environnementaux parfois capricieux. Autant de valeurs qui entrent en contradiction avec celles qui ont cours dans le monde citadin des décideurs politiques.
Les bergers comme les éleveurs se retrouvent donc dans cette critique du système actuel décriant les méfaits de la libéralisation des marchés, de l’urbanisation des emplois et de l’engouement effréné pour la surconsommation.
Extraits du livre de Mathyas Lefebure (Alias Mathieu Lefebvre)
« D’où viens-tu, berger ? » Leméac Ed. 2006.
Les abattoirs les volent, leurs coûts d’exploitation augmentent sans cesse, contrairement au cours de la viande. Ils sont condamnés à survivre avec les primes de l'État, des primes de rien du tout… Ça va très mal pour eux… Comme ils ont appris le travail avec les moutons du père, ils n’ont rien d’autre.
… / …
En longeant les vignes, dont les chiens chassent avec joie les moutons les plus aventureux, je regarde l’horizon tracé de mauve, j’écoute le tout petit ruisseau qui coule le long du chemin, et je réalise, avec la violence d’une vision mystique, que je suis au milieu d’un fantasme pastoral né d’une impulsion délirante, et que le songe, dans ce fragment de vie, s’est matérialisé; que je ne suis plus cadre en publicité mais berger poussant en Provence mille brebis, dans la chaleur des pastels des champs, au son de sonnailles; Dieu que ce monde est vaste, quand on sort un peu de ses routes balisées et de la servitude volontaire, pour aller en respirer le souffle…
Ce momentum vaut bien les disgrâces et les inquiétudes vécues depuis mon arrivée au mas Crapule…
Je suis ivre, ivre de libre-arbitre.
Emilie, Mathieu et Cedric remercient
Les Bergers :
Agnès, Antoine (Président de l’association des bergers de la région PACA), Florian, Marc, Sandrine et Pascal (et toute la petite famille), Alain et Gilbert Lions (éleveurs, bergers et fromagers), André Michel et Yoann Michel (éleveur et berger), Damien, Camille (très très apprentie bergère).
Les autres intervenants : Stephanie Carteron (Coordonnatrice et fondatrice de La Maison Des Bergers à Champoléon) Patrick Fabre (Directeur de la Maison de la Transhumance à Saint Martin de Crau) Michelle Jallet (Directrice de l’Ecole du Merle à Salon de Provence)
La logistique : Jérémy Bon (technicien de sons et chauffeur pour nos nombreuses excursions pastorales) Nicolas Rousson (journaliste radio, support technique, conseiller artistique et merci pour ta bagnole)
Le fonds d’aide à la création radiophonique de la Communauté française Wallonie-Bruxelles.
Ce documentaire produit par Radio Air Libre a été réalisé par Emilie Richard-Fèvre, Mathieu Lefebvre et Cedric Tolley.
Novembre 2007